Alexis harvey: aller de l’avant avec ses différences
Titre : Concepteur indépendant de jeux vidéo
Âge : 28 ans
Entrée dans l’industrie du jeu vidéo : 2018
Principales fonctions en carrière : Cofondateur, directeur créatif et designer de jeux d’Astrolabe Interactive
« La bande passante d’un autiste est très chargée. »
En devenant entrepreneur dès sa sortie de l’université, Alexis Harvey a déjà démontré, malgré son jeune âge, que le spectre de l’autisme ne constitue pas un frein en milieu de travail, particulièrement dans le domaine du jeu vidéo.
Pour Alexis Harvey, être asperger n’est pas une fin en soi. D’ailleurs, d’entrée de jeu, quand il évoque le sujet, il met vite les cartes sur table : « C’est une facette de ma personnalité comme d’être gaucher, lance-t-il. Donc, ce n’est ni une condition, ni une déficience, ni une maladie, ni un handicap. C’est une différence, voilà tout. » Et cette différence, il l’assume pleinement au quotidien, dans son travail. « Beaucoup croient, à tort, que le spectre de l’autisme affecte une personne à la manière d’une maladie, comme un cancer ou une dépression. Or, il n’en est rien. » Reprenant la métaphore des gauchers, il illustre sa situation ainsi : « Notre monde est conçu pour les droitiers, lesquels sont en forte majorité démographique. Toutefois, les gauchers s’y ajustent. Dans le cas d’une personne asperger, elle s’adapte elle aussi à un monde pas conçu pour elle, mais plutôt pour les gens neurotypiques. »
S’ajuster sans arrêt
Cela se traduit par une foule de petits gestes qui, pour la plupart d’entre nous, passent inaperçus. Par exemple, des conventions sociales comme celle de regarder un interlocuteur dans les yeux lors d’un dialogue ne sont pas inscrites dans les réflexes d’Alexis Harvey. Par conséquent, dans un milieu de travail ou dans ses interactions, il doit sans cesse s’imposer de tels comportements non naturels pour lui. « La bande passante d’un autiste est donc très chargée », illustre-t-il avec humour. Justement, quand les conversations deviennent complexes et qu’elles nécessitent un fort niveau de concentration, Alexis Harvey choisit d’alléger la sienne en délaissant quelques comportements, question de mettre toute son attention sur la discussion. Par exemple, il cessera son contact visuel et déplacera l’effort qu’il y aurait normalement consacré au profit de la conversation en cours. Résultat : bien que ses yeux soient portés ailleurs quand on lui parle, il est bel et bien en mode conversationnel, et toute son attention est tournée vers l’échange en cours.
Quête de liberté et de souplesse
De tels irritants n’ont pas empêché le jeune diplômé universitaire de lancer son entreprise, Astrolabe Interactive, en juin 2018, en compagnie de son associé, Manuel Bergeron. « Nous nous sommes connus dans nos études en design de jeu et nous avons vite constaté notre complémentarité lors d’un projet de fin de session, raconte-t-il. Manuel a l’habitude de monter des projets tandis que je me spécialise davantage dans la production. Ni lui ni moi n’étions intéressés à commencer notre carrière en remplissant des fichiers Excel, au bas de l’échelle. Donc, puisque nous avions des objectifs similaires, nous avons mis sur pied notre propre studio. »
Presque trois ans après la création d’Astrolabe, Alexis Harvey a toutefois décidé de se donner encore plus de liberté, cette fois en devenant travailleur autonome en conception de jeux. « L’entreprise fonctionnait bien et elle continue d’ailleurs d’exister, précise-t-il, expliquant avoir vendu ses parts à son partenaire. Cependant, l’aspect administratif me drainait beaucoup d’énergie, tant dans la gestion des affaires que celle d’une équipe d’une vingtaine de personnes. »
Après une pause stratégique de réflexion, il entend donc offrir bientôt ses services à la pige, dans un rôle qui lui permettra de tabler sur ses forces et de se consacrer à ce qu’il aime vraiment.
En plus, ce statut lui permettra de porter plusieurs chapeaux, lui qui envisage – au-delà de sa passion pour les jeux vidéo – de jouer les conférenciers et formateurs à l’occasion. « J’ai eu la chance de participer à des panels et j’y ai vu la possibilité de recourir à de telles tribunes pour sensibiliser les gens à ce qu’est et ce que n’est pas l’autisme. »
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